Fic 7

Le prix de la sérénité

Lafayette lit le texto et referme le clapet de son téléphone avec un soupire: c’est bon. Il s’assoit sur son canapé, et se frotte les mains en tentant de gérer les battements de son cœur qui commencent à cogner dans sa poitrine.  Le jeune homme à la peau d’ébène sent un sourire narquois s’étirer sur ses lèvres. Chacun de ces rendez-vous lui faisait cet effet là. Il s’appui sur le dossier et se remémore la nuit où tout avait commencé…

Ça faisait deux semaines que Bon-Temps était en ébullition. Sookie avait disparue et cet événement avait cristallisé la haine des anti-vampires dans la petite ville. Bill, principal suspect, avait accepté de se plier aux contraintes exigés par La police, clamant son innocence et sa propre inquiétude. Jessica s’était réfugiée au Fangtasia en attendant l’accalmie. Et Lafayette tentait de poursuivre sa vie… difficilement.

Les hallucinations empiraient. A chaque personne qu’il croisait : des images intimes, étonnantes ou atroces  l’assaillaient sans qu’il puisse les contrôler. Ah… Sookie. Au-delà de l’inquiétude qu’il éprouvait pour son amie, il pensait souvent à elle, ces jours-ci. Comme il comprenait maintenant sa difficulté à avoir une vie sociale normale : quand on est agressé en permanence par les détails de la vie des personnes que l’on croise… c’est… impossible !

Et si les journées étaient difficiles, elles étaient « merveilleuses » comparées à ses nuits. Les cauchemars hantaient chacune d’entre elles sans répits. Lafayette était en train de devenir fou, il en avait parfaitement conscience. Jésus n’écoutait ses difficultés que d’une oreille, perdu dans l’euphorie de ses « expériences » pour tester les « capacités » magiques de son amant. Et en plus Tara l’avait lâché. Les quelques textos laconiques qu’il avait reçu pour le rassurer étaient parfaitement clairs : il était urgent, vital, pour elle de changer de vie et de repartir a zéro. Lafayette ne lui avait donc pas fait part de ses problèmes. Il était seul.

Il était seul… à se tourner et se retourner dans son lit, craignant de se rendormir. Au bord du gouffre, épuisé physiquement et psychiquement, il avait fini par se lever pour aller prendre l’air sous son porche. La douce nuit de Louisiane, le bruit assourdissant de la faune du bayou tout proche avait le don d’adoucir ses peurs, souvent… peut-être encore cette nuit ? Hélas, non. A peine eu-t-il le temps de sortir qu’un courant d’air lui balaya le visage et, l’instant d’après, une main puissante se refermait sur sa bouche.

-  Tu allais crier, non ?

Lafayette, terrorisé, acquiesce misérablement.

- Je m’en doutais… souvent, j’aime entendre mes victimes hurler, mais pas ce soir… je ne suis vraiment pas d’humeur… (Soupire) promets-moi de rester sage et je te lâche, OK ?

Le jeune homme approuve dans un gémissement et sent la prise se desserrer d’un coup, il s’écroule par terre. Pam lève un sourcil de surprise.

-  Et bien ? … à ce point là ?

Elle lève les yeux au ciel puis s’accroupi à la hauteur de l’humain qui s’est recroquevillé contre le mur, les yeux clos. L’observant attentivement, elle perçoit ses traits émaciés, l’affolement de son cœur battant beaucoup trop vite : il n’est pas juste effrayé… il… ne va pas bien. Pas bien du tout. Pam grimace.

-  Lafayette ? Soit gentil. Dis moi d’abord ce que tu sais sur la disparition de Sookie et je te laisse agoniser tranquille, d’accord ? propose Pam d’une voix impatiente et froide.

Vous connaissez l’expression « la goutte d’eau qui fait déborder la vase » ? Et bien, c’est presque ça, seules les proportions diffèrent. Imaginez un frêle esquif luttant pour rester à flot dans la fureur du Cap Horn : c’était la raison de Lafayette dans les tumultes de son esprit  jusqu'à présent. Et bien la remarque de Pam produisit un miracle : d’un coup le vent tomba, les vagues s’arrondirent et le silence envahit la nuit progressivement. Puis, l’immense masse d’eau amorça un mouvement arrière… annonçant les prémices d’un tsunami.

Lafayette venait de prendre conscience d’une chose : tous ses problèmes, son enlèvement, son traumatisme, ses peurs, ses angoisses, l’ouverture de son âme à ce pouvoir trop puissant qui le torturait depuis deux semaines : tout cela était du a une seule et unique chose : le V. Sans parler de la disparition de Sookie ou de la fuite de Tara…Tout ça, c’était a cause d’eux : les vampires !!!

La vague, monstrueuse, et chargée de haine avait atteint son apogée et, soudain, elle déferla sur une Pam stupéfaite. Lafayette bondit sur elle et déversa sa rage, sa colère et sa frustration dans un torrent d’injure et de vérités bien senties ponctués de coup de poings maladroits.

La vampire accueillit cet assaut avec un étonnement amusé. Jamais elle n’aurait imaginé que cet être si fragile, si soumit qu’elle avait devant les yeux l’instant d’avant pouvait avoir autant d’énergie en réserve. Cherchant à peine à esquiver les frappes, elle se laissa gagner par une bonne humeur inattendue. Les insultes hautes en couleurs de Lafayette la firent sourire puis, elle fini même par éclater de rire. Finalement, elle demanda :

-  On peut continuer cette conversation à l’intérieur ?

Lafayette, dans un état second, approuva sans vraiment réfléchir. Aussitôt, elle le saisit à la gorge et le projeta  dans son salon : il atterri violement contre son guéridon et, alors qu’il sombrait dans l’inconscience, il vit que Pam le rejoignait, tout sourire.

Brrr… froid. Et mouillé aussi. Glaglagla… Lafayette claque des dents. Il ouvre les yeux : douche ? Il est dans sa douche ! Assit en vrac dans son receveur, sous le jet glacé.

-  ça va mieux ? Susurre la voix amusée de Pam.

Le jeune homme  lance un regard méprisant à son insupportable invitée qui le dévisage d’un air narquois.

-  Qu’est ce que t’en as à foutre, pétasse ? Marmonne-t-il en se levant.

Il lui arrache des mains la serviette qu’elle lui tend et s’essuie le visage. Hmm… mais ?...comme il se sent bien ! Bonne idée cette douche froide : toute la fatigue qu’il avait accumulé semble s’être évaporée. S’il n’y avait ce désagréable goût métallique dans la bouche, se serait parf… hein ?!! Lafayette se fige. Oh non… pas ça !

-  Dis-moi que tu ne m’as pas fait ça ?! demande Lafayette au bord de la panique.

-  Tu es mal tombé, tu avais la nuque brisée. Réjouis-toi, mon chou, le nombre d’humain à qui j’ai offert mon sang se compte sur les doigts d’une main ! Maintenant… si tu veux vraiment finir tétraplégique, je peux encore t’arranger ça… Envisage Pam avec un sourire gourmand.

- Mais tu ne te rends pas compte ?! Je vais vraiment devenir fou cette fois ! S’insurge Lafayette en se débarrassant se son peignoir trempé, bientôt suivit de son caleçon de nuit en soie blanche…hmm… tout collé.

-  Oui, oui… J’ai compris que tu avais des hallucinations épouvantables… je peux t’aider, si tu me le demande gentiment et… que tu te montre… convaincant. Articule doucement la vampire en se rinçant l’œil.

Lafayette surprend son indiscrétion et s’immobilise, une moue dégoutée sur le museau. Pam fini par remonter son regard vers son visage et lève un sourcil espiègle.

-  Ravale la salive, putain, tout ce que tu vois, là, c’est pas pour toi. S’amuse le jeune homme en se détournant.

-  Putain ? Oui… approuve Pam d’une voix chaude. Nous savons tous les deux que j’en fus une, magnifique… et, a ce que je vois… tu n’es pas mal non plus. Eric ne voulait pas venir t’interroger lui-même, car il ne voulait pas avoir à te « brusquer ». Il semble s’être attaché a toi, j’avais du mal à le comprendre… maintenant je vois…

-  Ben tu vois mal ! Je suis une belle pute, c’est vrai, mais je n’ai jamais eu le plaisir de couché avec lui… Ironise le jeune homme avec dépit, en finissant de s’essuyer.

-  Oh ? quel dommage… murmure-t-elle en s’approchant dangereusement.

-  Pam... Soupire Lafayette, reculant doucement, une main levée. Je n’aime pas coucher avec un vampire, je déteste les femmes et… (Il baisse le regard) … je te hais, toi ! Alors, comment veux-tu que… ?

Il ne fini pas sa phrase, elle est trop près. Appuyé sur le bord de sa coiffeuse, il lâche sa serviette et pose ses mains  de chaque coté de ses hanches sur le meuble. Les yeux toujours rivés au sol, il analyse ce qu’il ressent. Il n’a pas peur… il ne comprend pas. Pourtant, il est dans la pire situation possible ! Elle est là, cette femme qu’il pensait haïr, entre ses jambes, effleurant son torse de ses doigts glacés, à se repaitre de sa superbe plastique. Il devrait être en train de vomir … Et… non… il est serein.

Apparemment, sa colère a entièrement consumé sa haine, tout à l’heure, et il ne reste qu’un étonnant sentiment de calme. Il a l’impression qu’une présence bienveillante a posé sa main sur sa nuque et lui murmure : « tout va bien, maintenant. Je suis là, avec toi, tu n’es plus seul. » Cadeau de la transfusion ? Il s’en doute. Mais ce qui l’étonne c’est qu’il n’avait pas ressenti ça avec Eric. Alors quand Pam relève son menton pour attirer son attention, sans crainte, il plonge son regard dans le sien, et, très humblement, lui avoue :

-  Je ne comprends même pas que tu pose les yeux sur moi, Pam. Je suis une loque, ignorante et impuissante avec les femmes. Ça va être nul, jamais je ne serais à la hauteur de tes attentes.

-  Hmm… t’es mignon. Mais si tu pouvais me désirer, ça ne serait plus drôle ! J’aime les défis, tu sais. Laisse-moi mener le jeu et te démontrer que tu te trompe, veux-tu ? Pam se détache et, le prenant par la main, elle se dirige vers sa chambre… Tu m’as surprise et tu m’as fait rire. Tu m’as… diverti ! Permet-moi de te dire que c’est un exploit en ce moment, avec mon maître qui tourne en rond comme un fauve en cage depuis la disparition de Sookie. Alors, j’ai besoin de me détendre un peu, tu comprends ? Et… sache surtout que le jeu en vaut la chandelle, mon chaton. Quand je te quitterais, si tu le souhaite, je t’hypnotiserais : tu oublieras tes angoisses, tes hallucinations et tu pourras dormir d’un sommeil sans cauchemars pendant plusieurs nuits.

-  C’est vrai ? Souffle Lafayette, stupéfait, quand elle l’allonge de force sur le lit... Tu… tu ferais ça ?

Soudain, une étincelle d’espoir se ralluma dans son cœur. Déjà, la transfusion avait effacée les stigmates de ses tourments mais s’il pouvait aussi dormir, ne serait-ce qu’une nuit : se serait… merveilleux !

Et… il dormit, comme promit.  Jésus n’avait jamais rien su. Personne ne savait.

C’était il y a quatre mois. A sa grande surprise, Pam avait vraiment semblé avoir apprécié sa « prestation » malgré sa maladresse et ses hésitations. Ils avaient beaucoup rit en tout cas. En le quittant, elle lui avait même proposé de la rappeler s’il avait besoin à nouveau d’un peu de « calme». Et il l’avait fait… plutôt régulièrement, d’ailleurs. Heureusement, les symptômes avaient tendance à s’estomper progressivement.

Mais, même si le tarif était élevé, ça en valait vraiment la peine. Et puis… pas si élevé que ça finalement. Non, vraiment pas. Un sourire espiègle se dessina sur les lèvres du beau métisse. Pam était diablement dangereuse, il le savait pertinemment, elle le tuerait sans hésiter, si besoin… ou si Eric le lui demandait, elle le lui avait déjà dit… mais sans pouvoir se l’expliquer, il se sentait en sécurité dans ses bras. Etrange, non ?

-  Et ben, alors ? t’es déjà en train de rêvé ?

Lafayette sursaute en poussant son petit « hiii » de souris. Pam le dévisage avec une moue moqueuse. Elle s’agenouille sur le canapé près de lui, pose sa main sur sa gorge et bascule sa tête en arrière.

-  Hmm… tu peux faire mieux que ça ! Chuchote-t-elle en plongeant sa langue dans sa bouche.